Le terrible héritage de George W. Bush, par Lawrence Davidson
Source :Lawrence Davidson, Consortium News, 28-05-2017
http://www.les-crises.fr/le-terrible-heritage-de-george-w-bush-par-lawrence-davidson/
Dans le cadre de la volonté de chasser le président Trump de la Maison Blanche, certains «plus jamais Trump» réhabilitent George W. Bush comme un «modéré» relatif, blanchissant ainsi ses crimes de guerre, note Lawrence Davidson.
Il existe une réalité qui continue à détruire des centaines de milliers de vies au Moyen-Orient. Et bien que la plupart des Américains l’ignorent, et que beaucoup de ceux qui sont au courant le nient, ces souffrances proviennent directement des décisions prises par Washington au cours des 27 dernières années.
Le président George W. Bush annonce le début de son invasion de l’Irak le 19 mars 2003.
Certains des faits en question viennent d’être présentés lors du premier congrès mondial de médecine de guerre, qui s’est tenu à l’Université américaine de Beyrouth (AUB) il y a quelques jours ce mois-ci (du 11 au 14 mai 2017). L’attention y a été attirée sur deux conséquences désastreuses de la politique de guerres que les Américains ont menées dans la région : des matériaux de munitions causant le cancer et des bactéries résistant aux médicaments.
– Matériaux de munitions causant le cancer : des matériaux tels que le tungstène et le mercure se trouvent dans le revêtement des bombes pénétrantes utilisées dans les première et deuxième guerres du Golfe. Ceux-ci ont eu des effets à long terme sur les survivants, en particulier ceux qui ont été blessés par ces munitions. Le Dr Omar Dewachi, un enseignant formé en Irak et qui a étudié à Harvard, anthropologue médical chez AUB, craint que «la ligne de base des cancers [apparaissant chez ceux qui sont exposés à ces matériaux] est devenue très agressive… Quand une jeune femme de 30 ans, sans antécédents familiaux de cancer, a deux cancers primaires différents – du sein et de l’œsophage -, il faut se demander ce qui se passe». Ajoutons que les médecins sont maintenant «débordés par le nombre de patients blessés [de guerre] au Moyen-Orient».
– Bactéries résistantes aux médicaments : selon le professeur Ghassan Abu-Sittah, professeur formé à Glasgow, patron de la chirurgie plastique et reconstructrice du centre médical de l’AUB, la résistance aux médicaments n’était pas un problème pendant la guerre Iran-Irak de 1980-1988. Cependant, après le fiasco de l’invasion irakienne du Koweït, les choses ont commencé à changer. Au cours de la période postérieure à 1990, l’Irak a été accablé par un régime brutal de sanctions imposé par les Nations Unies, sur l’insistance des États-Unis. Au cours des 12 années suivantes, «les Irakiens ont été autorisés à utiliser seulement trois antibiotiques» et la résistance bactérienne a rapidement progressé. Ces bactéries résistantes se sont répandues dans toute la région, en particulier après l’invasion américaine du pays en 2003.
Aujourd’hui, selon une analyse de Médecins sans frontières, «les bactéries multirésistantes [MDR] sont responsables maintenant de la plupart des infections des plaies de guerre dans tout le Moyen-Orient, mais la plupart des établissements médicaux de la région n’ont même pas de laboratoire capable de diagnostiquer des MDR, ce qui conduit à des retards significatifs et à une mauvaise gestion clinique des plaies infectieuses».
Si tout ceci se développe, ce n’est pas sans facteurs contributifs découlant de causes locales, telles que les luttes entre les factions. Cependant, les principaux déclencheurs de ces horreurs ont été mis en route à Washington. Pour autant que je le sache, aucun Américain à un poste officiel de haut niveau n’a jamais accepté la moindre responsabilité pour cette souffrance permanente.
Cacher la réalité
Alors que les cancers et les infections incurables augmentent au Moyen-Orient, il y a ici aux États-Unis un effort affligeant pour réhabiliter George W. Bush, le président américain dont les décisions et la politique ont contribué puissamment à la catastrophe en cours. C’est ce Bush qui a lancé l’invasion injustifiée de l’Irak en 2003 et, par conséquent, pour utiliser les mots de la Ligue arabe : «a ouvert les portes de l’enfer».
Au début de l’invasion américaine de l’Irak en 2003, le président George W. Bush a ordonné aux militaires américains de mener une attaque aérienne dévastatrice contre Bagdad, connue sous le nom de «choc et terreur».
Le mouvement pour sa réhabilitation a débuté en avril 2013 et a coïncidé avec l’ouverture de sa bibliothèque présidentielle. Dans une interview donnée à cette époque, Bush a préparé le terrain pour sa deuxième venue avec un acte d’auto-justification. Il a déclaré qu’il restait «à l’aise avec le processus décisionnel» qui a conduit à l’invasion de l’Irak – celui qui l’a vu manipuler les services de renseignement quand ils ne lui disaient pas ce qu’il voulait entendre – et aussi «confortable» avec sa décision finale de lancer l’invasion.
«Je n’ai pas besoin de me défendre. J’ai fait ce que j’ai fait et à la fin l’histoire jugera», a-t-il déclaré.
Cette affirmation frivole, «l’histoire jugera» est souvent utilisée par des personnages au caractère douteux. «L’histoire» figure un avenir vague. Sa venue, qu’on dit inévitable, permet au protagoniste de fantasmer sur l’accomplissement de sa gloire personnelle, en s’exonérant des préoccupations éthiques du moment, lesquelles sont généralement majeures.
Ceux qui cherchent à réhabiliter George W. Bush veulent maintenant l’opposer à Donald Trump. On imagine qu’ils espèrent ainsi le présenter comme un républicain «modéré». Ils prétendent que Bush était et est encore un gars très intelligent et analytique, plutôt que le simplet que la plupart d’entre nous soupçonnent.
En d’autres termes, malgré le lancement d’une guerre inutile et aux conséquences catastrophiques, il n’a jamais été aussi ignorant et dangereux que Trump. Selon lui et selon ses partisans, il a également été un grand défenseur de liberté de la presse, contrairement à Donald Trump. Cependant, quand il était président, Bush a décrit les médias comme une aide et les complices des ennemis de la nation. On peut certainement y lire une position parallèle à la description que Trump fait des médias : «l’ennemi du peuple américain».
Mais tout cela fait partie d’une campagne de relations publiques et illustre le pouvoir de remodeler une réputation – créer une façade qui cache la réalité. Pour ce faire, vous devez «contrôler la preuve» – dans notre cas en l’ignorant. Dans cette entreprise, George W. Bush et ses partisans peuvent compter sur la coopération d’une grande partie des médias traditionnels. Ici pas de problème : la presse l’a déjà fait.
A l’exception d’un éditorial ici ou là, les médias traditionnels ont également contribué à la réhabilitation de Richard Nixon au milieu des années 80. Ces sortes de tours de passe-passe ne sont possibles que sur fond d’une ignorance publique généralisée.
Informations en vase clos
Les événements locaux permettent une enquête minutieuse. Nous avons généralement une compréhension plus ou moins précise du contexte local dans lequel les événements se déroulent, ce qui donne une possibilité de jugement critique. Au fur et à mesure que nous nous éloignons, à la fois dans l’espace et dans le temps, l’information devient moins fiable, pour la bonne raison qu’elle nous parvient par le biais d’autres personnes qui peuvent ou pas savoir de quoi elles parlent.
Notre société a peu ou pas de connaissance du contexte des événements étrangers, et il est donc facile pour ceux qui les signalent de leur appliquer des filtres selon un certain nombre de critères. Ce qui nous parvient, c’est une actualité personnalisée : des histoires conçues pour s’adapter aux préjugés politiques ou idéologiques préexistants. De cette façon, des millions et des millions d’esprits se limitent à des informations en vase clos, sur des sujets qui touchent souvent, parmi d’autres sujets importants, la guerre et ses conséquences.
Donc, qu’est-ce qui est susceptible d’avoir le plus d’influence sur un public américain replié sur sa propre localité : l’image réhabilitée de George W. Bush que les grands médias de la nation ont fait valoir à plusieurs reprises, ou les conséquences terribles de ses actions à l’étranger, rarement rapportées ?
Ce dilemme n’est pas exclusivement américain, et n’est pas spécifique à notre époque. Mais ses conséquences dangereuses sont un très bon argument contre l’ignorance généralisée qui permet de réhabiliter les criminels politiques, même quand leurs crimes condamnent les autres à continuer à souffrir.
Si les «remodeleurs» de réputation peuvent le faire pour George W. Bush, il y a peu de doute qu’un jour ce sera fait pour Donald Trump. La vie, si pleine de souffrance, est aussi pleine de telles absurdités.
Lawrence Davidson est professeur d’histoire à l’université West Chester en Pennsylvanie.
Source :Lawrence Davidson, Consortium News, 28-05-2017
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source. Sur cet héritage criminel, voir:
- « Le médecin, l’uranium appauvri et les enfants qui meurent” (6 épisodes)
http://thebestdocumentaries.com/doctor-depleted-uranium-dying-children/
- « L’uranium appauvri”, par le docteur Rokke
https://m.youtube.com/watch?v=6RiwowGOKIU
- Albright, mort de 500.000 enfants irakiens: « ce prix valait d’être payé”
https://m.youtube.com/watch?v=4iFYaeoE3n4
Garibaldi2Le 02 juillet 2017 à 02h51
G.W.Bush n’est rien d’autre qu’un criminel de guerre.
”Ces sortes de tours de passe-passe ne sont possibles que sur fond d’une ignorance publique généralisée.” Qu’attendre d’un peuple d’imbéciles bigots se prenant pour la crème du monde ?
Quelle que soit notre position sur la peine de mort, nous souhaitons tous que le criminel Bush soit jugé et condamné. L’impunité américaine ne sera jamais une excuse.
Première constatation: ce que le public américain ne parviendra jamais à comprendre, c’est qu’aux quatre coins du monde, les gens connaissant fort bien la partie militaire du curriculum vitae de George W., cette photo de l’intrépide Commandant des Forces Armées Américaines « en combinaison de vol” n’a eu pour effet que de les faire éclater d’un rire à ce jour inextinguible!
G.W.Bush n’est rien d’autre qu’un criminel de guerre.
”Ces sortes de tours de passe-passe ne sont possibles que sur fond d’une ignorance publique généralisée.” Qu’attendre d’un peuple d’imbéciles bigots se prenant pour la crème du monde ?
Hélas, c’est à ce peuple d’imbéciles qu’on a donné les clés d’une voiture qu’ils ne savent pas conduire.
Intéressant point de vue, celui d’un historien observant la construction (nécessairement biaisée) de la mémoire.
Un parallèle me vient à l’esprit : celui des peuples autochtones d’Amérique. Là aussi les bactéries ont accompagné le plomb des armes pour exterminer une population. Les Etats-Uniens ont pu mettre sous le tapis cette histoire grâce à Hollywood et ses westerns.
Pour pouvoir mettre sous le tapis le génocide irakien (plus d’1 million de morts directs et indirects), Hollywood aura besoin de blanchir les Bush. Le détergeant Trump n’y suffira pas, il va falloir frotter très très fort.
Pour l’Histoire justement voici un documentaire incontournable à voir et télécharger pour comprendre de l’intérieur comment tout cela a commencé :
L’histoire de tous les grands pays est encombrée de dirigeants qui ont considéré la guerre et son cortège de souffrances comme un moyen légitime d’arriver à leurs fins. L’histoire a deux réactions a posteriori:
– occulter cette face sombre pour ne mettre en exergue que les résultats « positifs” (pour leur pays car pour les autres …), pour la France on peut en citer beaucoup comme Louis XIV, Napoléon ou même Clémenceau qui préférait continuer la tuerie jusqu’au bout plutôt que de conclure une paix blanche
– tout mettre à charge d’une petite clique au pouvoir en occultant les grands rassemblements populaires, on peut citer Hitler, Mussolini et d’autres.
Dans mon esprit, « W” ouvre l’ère de l’inculpabilité des dirigeants (s’ajoutant à l’infaillibilité du pouvoir US, deux concepts importants développés par Dedefensa.org). Cette infantilisation est soit dans l’ère du temps (générations soixanthuitardes au pouvoir), ou bien un objectif politique (infantiliser les populations pour les contrôler). « W” a soutenu mordicus qu’il avait tout bien fait, une posture qui a ensuite été reprise par tous les dirigeants occidentaux, quelque soient leurs erreurs (Lybie, Syrie, etc).
Coïncidence ou pas, l’image de « W” du 11 septembre dont on se souvient, c’est sa trogne pétrifiée en train de lire un livre pour enfant dans une maternelle.
La génération soixantehuitarde aux USA vous rappelle qu’elle est descendue dans la rue contre la guerre du Viêt Nam et qu’il y a eu des morts.
En dehors de toute justification ou non de déclaration de guerre, on voit qu’il y avait surtout une volonté franche de détruire la population civile au service d’un plan totalement criminel de domination au MO. Le cri du cœur de Albright est assez explicite à ce sujet.