Epilepsie : la Dépakine

http://www.lejdd.fr/Societe/Sante/Epilepsie-la-Depakine-et-ses-14-000-victimes-857729

EXCLUSIF – La lanceuse d’alerte Marine Martin publie un livre dans lequel est estimé le nombre de personnes rendues handicapées par la Dépakine, un antiépileptique.·

Irène Frachon avait compté les morts pour donner l’alerte sur le Mediator. Marine Martin, qui a révélé les dangers de la Dépakine, veut dénombrer les enfants victimes de l’antiépileptique, de crainte que la réparation de leur préjudice cesse d’être une priorité après les élections.

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En annexe d’un livre qui paraît jeudi*, cette mère d’un ado autiste et d’une fille avec des difficultés de coordination motrice publie une première estimation des dégâts causés par ce médicament très efficace mais redoutable pour le fœtus (il peut entraîner des malformations et des troubles neuro-développementaux).

Selon cette étude inédite conduite par l’épidémiologiste Catherine Hill, qui fut la première à évaluer le désastre du Mediator, « 14.000 personnes ont présenté des atteintes causées par l’exposition in utero au valproate de sodium [le principe actif de la Dépakine] ». Parmi elles, des adultes (la molécule a été commercialisée à partir de 1967), des adolescents, des enfants et même des bébés, tous nés de femmes épileptiques ou bipolaires (le produit est indiqué dans le traitement de cette maladie sous l’appellation Dépakote ou Dépamide).

« Rester dans l’ignorance permet de continuer à minimiser le scandale, à ignorer le quotidien de ces milliers de vies brisées. Jusqu’à présent, personne n’avait chiffré les dégâts. C’est incroyable qu’une mère de famille, avec de petits moyens et sans compétences en statistiques, doive initier ce chantier-là », attaque Marine Martin. Fin août, le ministère de la Santé avait bien estimé à quelque 14.000 le nombre de grossesses exposées à la Dépakine entre2007 et 2014 mais, se désole la présidente de l’association Apesac**, « ce travail avait laissé les familles sur leur faim car il restait abstrait, circonscrit dans le temps et ne s’intéressait pas aux enfants touchés ». Marine Martin se fait aussi le porte-voix des parents de « victimes oubliées », « ces bébés décédés à la naissance », « ces grossesses qui ne sont pas arrivées à terme ».

Dangers de la Dépakine : « Des dizaines de… par lejdd
« Une culpabilité insupportable »

Au-delà du chiffre choc, le livre n’est pas seulement le témoignage poignant d’une mère qui, un jour d’automne 2009, comprend en tapant trois mots sur Google (« médicaments », « dangereux » et « grossesse ») pourquoi son fils est handicapé ; ni seulement celui d’une épileptique qui, depuis cette terrible découverte, porte sur ses « épaules » « la culpabilité insupportable d’avoir rendu ses enfants malades ».

C’est également le récit d’un combat au forceps contre « l’inertie des autorités sanitaires » (en partie gagné depuis la création d’un fonds d’indemnisation et l’apposition d’un pictogramme d’avertissement sur les boîtes de médicaments) et « le déni » du laboratoire Sanofi. « Cela ressemble à du mépris. Ils n’ont jamais eu un mot gentil pour nous, ne répondent pas à nos courriers, ne proposent aucune indemnisation, ne semblent pas vouloir participer à la première phase de conciliation de l’action de groupe », accuse-t-elle. La lanceuse d’alerte constate que, « sans jamais reconnaître sa responsabilité, Servier a accepté d’indemniser les victimes du Mediator ».

Dans cette bataille contre un Goliath du CAC 40, elle possède deux atouts : sa capacité à faire naître l’émotion et à créer du collectif. Si leurs visages ne s’étaient pas invités sur les écrans télé, les enfants Dépakine, tous cousins avec leur faciès caractéristique (lèvre supérieure fine, yeux écartés, front bombé), seraient sans doute restés des victimes oubliées, comme tant d’autres atteintes par les effets secondaires des médicaments. Pour faire flancher le laboratoire et l’inciter à « trouver des solutions raisonnables », Marine Martin cherche [[aujourd’hui]] à mobiliser des familles suisses, espagnoles, belges ou britanniques. « L’idée, c’est de créer une internationale des victimes. Pas pour faire l’aumône, mais pour assurer une vie digne à nos enfants handicapés quand nous ne serons plus là. »

*Dépakine, le scandale. Je ne pouvais pas me taire. Robert Laffont, 237 p., 19,50 euros.
** Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant.

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LE LIVRE

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